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Crayons orphelins du bureau et feuilles de l’imprimante
Touches patinées du clavier qui claquent et se lamentent
Voilà bien longtemps que je ne vous ai malmenés
Outils de mon exutoire, mes vieux amis abandonnés

Voilà bien longtemps que je ne vous ai sollicités
Pirates de mes remous intérieurs, marins plébiscités
Sur cette mer blanche ces formes d’encres imprimer
Ce maelstrom de joie et de craintes réprimées

Mon verbe peut-être s’est-il depuis rouillé
Dans les rouages de science de mon esprit
Automate infatigable qui grinçait et bouillait
Sous le code et les nombres dont il s’est épris

J’aurai bien griffonné quelques paragraphes depuis
Quelques voix intérieures souhaitant s’exprimer
Quelques élans lyriques sous temps de pluie
Quelques voix vite éteintes, le souffle comprimé

Vais-je réussir à maitriser le difficile exercice
En conservant de la pellicule de mes rimes le négatif
Sous la teinte rouge de mes émois en développer le positif
Vais-je en cristalliser l’intensité, les subtils délices

La cadence de ma vie semble s’être accélérée
Avalant les mois et années d’un vorace appétit
La cadence de ma vie semble s’être ralentie
En funambule sur le fil d’un destin inespéré

Ma chair commence à se creuser doucement
Et mes cheveux s’habillent d’argent sournoisement
Puisse mon imagination à son tour se parer d’or
Alors que les rayons du printemps mon visage colorent

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Tu aurais dû la voir, cette foule massée sur les bancs
Les yeux brillants, les habits noirs, les cierges blancs
Et alors que le passé tombait aux pieds de l’avenir
Le glas des cloches battait le rythme des souvenirs

De ce tic que tu avais de mordiller l’intérieur de ta joue, étirant à répétition tes lèvres d’un côté en une moue attentive
Celui d’insister envers et contre tout refus, et de le faire quand même, le justifiant d’une raison toujours plus inventive
Ou sous l’indignation à table de te redresser la tête haute et te raidir, sourcil haussés, les yeux baissés
Vers tes couverts ou ta serviette, minutieusement, machinalement, les aligner ou la plier jamais assez

Et ta voix partir dans les aigus lorsque le rire te désarme
Une main levant tes lunettes, l’autre tamponnant tes larmes
Mamie pipelette on taquinait, mamie kleenex on s’amusait
A ton hommage public c’est ce dernier surnom qui nous muselait

Ce même aigus qu’on retrouvait dans tes vocalises
Ces chansonnettes que tu poussais sur le moindre air familier
Quand tu n’étais pas à recopier moult dictons et maintes devises
N’importe quoi pour embellir la vie, en oublier le sablier

Je te revois tripoter tes boucles d’oreilles d’un air songeur
Je te revois regarder par la fenêtre d’un air rêveur
Ecarter un pan de rideau pour y passer la tête
Fredonnant parfois distraitement un air de tête

Je me souviens de tes lunettes aux vives couleurs et formes alambiquées
Des yeux qu’ils hébergeaient, d’un bleu azur que même le temps ne su domestiquer
Je l’ai croisé ce regard depuis le dos d’un poney, à travers le filet d’une éprouvette
Par dessous un gant sur le front, un lit bordé, une tisane ou un dîner à la sauvette

J’entends encore les serveurs répondre à tes questions, s’évertuer
A lister dans les moindres détails de quoi chaque plat était constitué
Tes yeux s’usant sur ton menu et sur celui des autres pour situer
Le choix de chacun et l’argument de ta décision finale accentuer

Je me rappelle de tes histoires tentaculaires aux innombrables fins
De tes histoires tant de colères que de rires sans fins
Et de te perdre dans nombre de détails qui jamais ne finissent
Peut-être consciente que ce sont eux qui au final nous définissent

Et ces détails tu les aimais, tu les collectionnais
Perdue dans ta mémoire d’un verbe passionné
Imprégnant chaque souvenir de couleurs et d’odeurs
Peignant et décrivant le moindre aspect avec ardeur

Et j’aime à penser que ton dernier voyage fut à ton image
Imprévu et spontané, la mine distraite à regarder le paysage
Et je reprends tes mots du fond d’un coeur comme un enclume
Sache que ton stylo est tombé mais je reprends ta plume

Et il va nous falloir tant bien que mal tourner cette page
En y laissant comme tu le faisais un énième marque-page
Car tous les encriers du monde s’assècheraient de reporter
Sur le papier tous les sourires que tu nous auras apportés

Le regard maintenant voilé
Le corps à jamais suspendu
Un astre de plus sur le ciel étoilé
Etoile filante au décollage inattendu

Adieu mon amie, mamie, maman, et reine
Vois en ces mots se déchirer l’amour et la peine
Ne reste de ton visage que photos et poussière
Mais ta voix résonnera toujours comme si c’était hier

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L’histoire commence dans un léger tintement
Celui du métal s’entrechoquant discrètement
De pièces de riches alliages chargées de cuivre
Sans esprits ni consciences mais la mainmise
Sur la conscience de tout un peuple taxé pour vivre
Dont toute la vie se déroulera sous son emprise

L’histoire se poursuit dans un bruit mat
Celui étouffé du même métal contre la chair
Au fond d’une paume pour qu’on abatte
Un innocent d’une balle peu chère
Acte indignant mais arrangeant
Acte répugnant mais c’est l’argent

Sans langue ni parole surprise à faire main-basse
Sur la parole de tout un monde de messes-basses
La vérité souvent soumise, toujours étranglée
Par le garrot de politiciens aux mœurs légères
Tous punis d’un mot trop vrai, au sens cinglé
Selon la presse à le clamer d’un ton de mégère

L’histoire s’éternise dans le doux crissement
De billets déposés lestement sur le comptoir
D’une poigne preste s’en emparant avidement
Troqués contre un bref oubli de tout ce foutoir
Momentané et cher payé, l’Homme aux abois
Le paiera une deuxième fois d’une gueule de bois

L’histoire se terminera dans le grincement
D’une latte au dos rond couvant l’économie
D’une famille pauvre en manque d’autonomie
Économique, émotionnelle, elle même se ment
Protégeant le pécule d’un argent gagné au noir
Pour ne pas lors des fêtes les enfants décevoir

L’histoire et le pinceau le figeront sur un tableau de champignons
A l’air irradié lourd de cendres, aux teintes de feu et de charbon
Le cadre de bois marqué d’un nom au bleu essence
« L’argent n’a pas d’odeur car il émousse les sens »

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Laissez moi vous accueillir sur terre, du vil côté
Vous escorter dans les ruelles crasses d’anxiété
Ou cernes et rides se gaussent du manque de sobriété
Du manque d’abri, d’un feu de camp, et de manger à satiété

Laissez vous donc cueillir par ce torrent de violence
Laissez vous donc flotter sur ce ruisseau de haine
L’esquif de votre morale bientôt percé de jalousie
Coulant son passager dans les bas fonds de la survie

Puis l’affluent vous mène au fleuve bondé de monde
Celui du superficiel et du paraître, le fleuve miroir
A la surface duquel le narcissisme vagabonde
Ou bien des gens vous serviront de faire-valoir

Sur ses berges jonchées de déchets toxiques
Vous constaterez les affres de ce monde boulimique
Ou certains se bâfrent de manière endémique
Font d’un objet flambant neuf une immédiate relique

Peut-être déboucherez vous alors au lac du mépris
Aux remous de racisme, au brouillard de sexisme
D’une courbe inattendue ou d’une couleur surpris
Mus par la peur de l’autre, sinon l’égocentrisme

Trébuchez donc au milieu du sang et des débris
Que certaines villes cultivent sous réserve de conquête
Que beaucoup encore foulent l’humeur assombrie
N’ayant plus qu’un toit sûr pour unique requête

Et tellement plus encore

Laissez moi vous accueillir sur terre, du beau côté
Vous escorter dans les couloirs d’hôpitaux immaculés
Ou nombre courageux affrontent sous peine et sans relâche
Un grand ennemi avec des fonds restreints, une santé lâche

Laissez vous découvrir l’immense beauté de certains gestes
De ces personnes sauvant des vies sans demander leur reste
De ce tatouage couvrant un sein enlevé d’un beau dessin
De ces repas distribués dans la rue sans autre dessein

Une brave âme quittant l’école pour s’occuper d’un proche
D’une ceinture serrée au sang, payer l’école d’un mioche
Voire l’un, puis l’autre, contraints de cumuler le travail
Pour joindre les deux bouts tout juste, rester sur les rails

Bienvenue du côté des gentils, du côté des altruistes
S’échinant non sans mal à remettre les démunis en piste
Qui brûlent temps et argent sans en attendre retour
Qui brûlent tant d’aider, ne se payant que d’amour

N’avez vous jamais vu un arc-en ciel déchirer le ciel
Joignant deux pans de l’horizon tel un tissu cicatriciel
N’avez vous jamais capté un rayon de l’aube s’étirant
Paresseusement sur le rideau de poussière du printemps

Ce même faisceau dardé peut-être sur quelque médaille
Celle d’un héros de guerre, celle d’un héros de rue
Aux nerfs d’acier sollicités pour un exploit de taille
Loués pour un suicide qu’aucun dirait d’avance couru

Et tellement plus encore

Et nous passons ainsi notre vie en noir et blanc
Un soir à faire grise mine et la gommer en se levant
Comme lors de nos jeux d’enfants, alors innocents
Eviter les dalles d’une couleur, compter jusqu’à cent
Quelle dalles choisissiez vous alors
Quelle teinte choisissez vous alors

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Oh hiver te revoilà, sous une haie de flocons
Essence cristallisée s’accumulant sur le balcon
Sous la palette morne de ton habituelle robe
Brumeuse et terne voile dont la chaleur se dérobe
Ton haleine givrée toute verdure immobilise
Tas de feuilles mortes dont ton aînée culpabilise
Abandonnées sur un horizon aux reflets de glace
Réputé dépressif, que des nuages obscurs menacent

Oh printemps, d’une dure saison tu es le cadet
Responsable de panser une terre dénudée
Ton humus engourdi tu réveilles très vite, obsédé
De ton devoir de floraison de ce sol lézardé
Cataplasme de bourgeons sur la brûlure du froid
Aplats verts sur le tableau d’un hiver qui décroît
Tu charges des bras couverts de ronces de belles roses
Pressant les plumes sur papier à coucher leurs névroses

Oh été, tu entres en grande pompe, héros salvateur
Grondant de tonnerre contre la pénombre et sa moiteur
Et sa fraîcheur minant ta réputation sulfureuse
Cadavre de ta sœur à la température frileuse
Combien de plaintes et suées aura-tu ainsi causées ?
Au détour d’une promenade, les faisant tous causer
Et le monde t’attend pourtant toujours avec impatience
Car malgré ces défauts tu l’illumine de ta présence

Oh automne, de toute végétation la lente plainte
Charriée par le vent sous tant de lambeaux de vies éteintes
De ces feuilles, de ces fleurs, comme punies d’une règle enfreinte
Dictée par cette bonne faucheuse et son ultime étreinte
Dommage collatéral de son combat dont tu te feinte
D’une ère qui s’éteint pour une nouvelle déjà enceinte
Et l’on s’émerveille parfois devant tes milles couleurs
Et l’on se réveille sous ta pluie, te maudissant sur l’heure

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